conservatoire national des archives et de l'histoire de l'éducation spécialisée et de l'action sociale

Fernand Deligny (1913 – 1996)

Éducateur et écrivain, Fernand Deligny naît en 1913 à Bergues (Nord). Après son baccalauréat, il entame des études de philosophie et de psychologie. En 1937, il occupe les fonctions d’instituteur dans une école à Paris, rue de la Brèche aux Loups. Il y intervient auprès d’enfants considérés comme attardés et dont le comportement dérange souvent l’univers de la classe. Fernand Deligny substitue le plus souvent possible à la salle de classe une pédagogie originale dans le Bois de Vincennes tout proche. Il s’agit, écrit-il, de « changer les circonstances ». À la même époque, Fernand Deligny rencontre le psychologue Henri Wallon qui l’incite à passer le certificat d’aptitude à l’enseignement des enfants arriérés qui existe depuis 1909.

En 1938, Fernand Deligny est nommé à l’Hôpital psychiatrique d’Armentières dans le Nord, mobilisé en 1939-1940, il y reviendra jusqu’en 1943. À Armentières où sont entassés de jeunes « arriérés », malades mentaux, vagabonds, délinquants, il innove en accord avec le directeur de l’hôpital, en supprimant les punitions, en organisant des ateliers, des activités sportives, des liens de plus en plus importants avec l’extérieur. En 1944, il est nommé directeur pédagogique du Centre d’observation et de triage (COT) de Lille géré par la Sauvegarde du Nord. IL contribue largement à ouvrir l’institution vers l’extérieur, il associe des responsables des auberges de jeunesse et les familles aux activités de l’institution. Il ouvre à Wazemmes près de Lille un club qui préfigure les clubs de prévention.

En désaccord avec la Sauvegarde, Deligny quitte le COT et publie en 1947 Les Vagabonds efficaces. Il va alors développer avec les auberges de jeunesse une politique de réseau pour accueillir des jeunes, délinquants ou non, qui posent problème. Ce sera « la Grande Cordée ». Le projet sera soutenu jusque dans les années 1950 par le ministère de la Santé, de nombreux juges des enfants et l’Éducation nationale. À la même époque, tout en animant le réseau, Fernand Deligny travaille au laboratoire de psychologie d’Henri Wallon.

Progressivement, Fernand Deligny passera des jeunes délinquants à un autre type de population « des enfants aux troubles plus profonds » avec lesquels il mène dans le Bourbonnais entre 1962 et 1964 des expériences qui s’apparentent à celles des lieux de vie. En 1965, Fernand Deligny rencontre à la clinique de la Borde, près de Cheverny dans le Val de Loire Jean Oury et Félix Guattari qui y développent avec des malades des expériences de psychothérapie institutionnelle. Ce n’est pas le modèle de Deligny. À La Borde, il rencontre un enfant autiste « Janmari » qui vient de la Salpêtrière. C’est sa première pratique avec ce genre de population.

En 1967, Fernand Deligny s’installe dans le Gard, à Monoblet dans les Cévennes, dans une vieille ferme où il crée avec quelques enfants autistes, dont Janmari, un lieu de vie. Certains de ces enfants lui seront envoyés par Françoise Dolto et Maud Mannoni. Avec un petit réseau d’amis et de compagnons, dont Jacques Lin qui lui succédera après sa mort, il développe son projet : « donner un sens à ce non verba de l’enfant mutique… à partir non pas des mots, mais de gestes, de trajets, de signes observés au quotidien et qui n’ont a priori aucune intelligibilité. » Il meurt à Monoblet en 1996 en laissant de très nombreux écrits inédits.

Texte : Jacques Bourquin
Illustration : site Internet de Thierry Goguel d’Allondans, éducateur spécialisé et anthropologue (http://www.thigodal.net/anciens.htm)