conservatoire national des archives et de l'histoire de l'éducation spécialisée et de l'action sociale

Ce livre, fruit d’un collectif de moniteurs éducateurs d’Aubervilliers fraîchement diplômés (2021), retrace leurs premiers pas sur le terrain.

Son originalité tient à ce qu’il a été rédigé par de très jeunes professionnels, à peine sortis de la formation, sous l’impulsion de Salim Behloul, formateur en travail social et Nathalie Koudjoh, documentaliste. Certes, les éducateurs sont fréquemment rétifs à évoquer par écrit leur travail. Ceux, celles qui se livrent à cet exercice, le font souvent après des années d’expérience, avec souvent le désir de transmission et d’analyse de leur pratique. La profession leur reconnaît une légitimité. La pertinence de leurs écrits permet aux formateurs ou aux étudiants d’y adosser leur réflexion et donner du sens à l’action éducative.

Étonnamment, ces Récits d’apprentissages en terres éducatives recèlent une analyse du métier d’éducateur d’une grande clarté, d’une justesse incroyable: le rôle joué, perçu ou projeté par les enfants ou adolescents, la capacité d’improvisation, l’implication affective, la notion incontournable de travail d’équipe, le travail éducatif qui se niche dans les détails de la vie quotidienne, les inter/actions, les failles dans lesquelles se glissent les jeunes, les enfants ; les doutes qui les traversent les obligeant à interroger en permanence leur pratique ; la gestion de la violence , de l’urgence ; la désillusion quand l’envie d’aider de l’éducateur est rejeté par un enfant qui ne croit plus en l’adulte ; comment construire patiemment un lien de confiance ? l’écoute, l’observation, l’écriture, la prise de décision rapide en situation de crise de violence pour apaiser et protéger ; la première audience dans le cabinet d’un juge des enfants.

Comment réfléchir pour affiner où imaginer tout ce qui pourrait -être mis en œuvre pour et avec les jeunes impliqués et concernés en premier lieu. La liste n’est pas exhaustive… Très vite, ce travail si singulier interroge ces jeunes professionnels sur le sens de ce qu’ils vivent, comme gérer leurs émotions face au quotidien qu’ils partagent avec jeunes, adolescents, parents.

analyse de Josiane Bezzaz-Daniel – Membre du CNAHES

Lecture de « récits d’apprentissages en terres éducatives » Dès le titre, un mot est bien venu, « terres éducatives ». Une terre est l’élément solide qui supporte les êtres vivants et où poussent des végétaux. Belle définition du métier d’éducateur spécialisé que d’en faire un lieu assez ferme pour supporter le vivant sous tous ses aspects et suffisamment fertile pour que ce vivant y pousse, grandisse et se développe.Puis vient comme une force, le désir d’écrire, écrire un récit chaque fois différent, laisser une trace sans peur, comme une éthique qui s’autorise enfin, une nécessité de trouver les mots. Les mots précèdent donc la pensée, accepter que çà s’écrive,écrire l’autre comme une idée de création originale. On raconte que le peintre Edouard Degas interrogeait un jour Paul Valéry : « Maître à quoi pensez-vous lorsque vous écrivez ? » Et Paul Valery aurait répondu : « On n’écrit pas avec des pensées mais avec des mots » Et chercher les mots, c’est pour celui qui écrit, se dévoiler, ressentir le vide de son ignorance ou de son incompréhension, découvrir le « pourquoi faire » de son acte.

Ainsi apparaissent au fil des récits un métier, des métiers qui chacun s’enracine, terre fertile oblige dans une matière, la rencontre avec un autre. Un métier à plusieurs voix. Le savoir est interrogé, est-ce une conquête ou une annexion ?Surtout une capacité à débattre des sujets sociétaux, le social prends corps dans une société pour construire le monde d’aujourd’hui et celui de demain. Il s’agirait de s’humaniser mais ne sommesnous pas humainsdès la naissance même si nous naissons prématurésSe tenir entre silence et utopie, des mots, toujours des mots, comme dans la chanson. La formation comme une aventure, une création, une transformation, à distance ou à proximité, dans le contrôle ou le lâcher prise, entre connaître et comprendre, se frotter aux désaccords. Suis-je éducateur ? Jouer un rôle dont on ignore le scénario. Et puis soudain se retrouver « comme chez soi » découvrir une autre « intimité ». Faire preuve d’imagination « parfois puisée dans des films » Enfin rester sans réponse mais se poser quand même des questions.

Ces récits sont autant de beaux voyages sur ces terres éducatives, une randonnée vivante et stimulante à travers les institutions, autant de paysages devant lesquels on peut ainsi, en écrivant dépasser sa fonction et rencontrer autrui avec bonheur et émotion…

analyse de Martine Trapon – Membre du CNAHES

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