conservatoire national des archives et de l'histoire de l'éducation spécialisée et de l'action sociale

Dans le cadre du festival de la 25° image, le CNAHES a organisé deux soirées à la halle des Epinettes, à Issy-les-Mouleneaux. L’animation était assurée par Martine Trapon, Youssef Boudjemai, Marylène Sanchez et Philippe Fabry.
Le 12 octobre, projection du petit criminel de Doillon, puis le 13, de Raining stones de Ken Loach. Des débats de qualité ont suivi la projection et aussipermis de décrire l’action du CNAHES.
https://www.clavim.asso.fr/agenda?oaq%5Blocation%5D=62660125&oaq%5Bfrom%5D=2022-10-12&oaq%5Bto%5D=2022-10-12&oaq%5Buid%5D=74679785 
https://www.clavim.asso.fr/agenda?oaq%5Bfrom%5D=2022-10-13&oaq%5Bto%5D=2022-10-13&oaq%5Buid%5D=16243969 
Très bon accueil dans un lieu qui a une très belle programmation : https://www.clavim.asso.fr/la-halle-des-Epinettes.

Petit texte autour du film « Raining stones » de Ken Loach. P. Fabry

Ken Loach sait montrer la vie de ces Britanniques devenus pauvres du fait de la brutalité des politiques néo-libérales menées par Margaret Thatcher dans les années 1980, que Jacques Rodriguez (1999) résume ainsi « tandis que 9% de la population vivait avec des ressources inférieures à la moitié du revenu moyen en 1979, 25% des Britanniques seront dans cette situation en 1992, soit environ 14 millions de personnes »[1]. Ceci alors que le pays s’enrichit fortement sur cette période.

L’enfermement dans la pauvreté attaque la dignité. Ainsi on peut se dire : pourquoi tant dépenser pour une robe de communion que le curé peut fournir gratuitement ? C’est une question de dignité : il s’agit d’échapper à l’assistance, de pouvoir faire ce que ses parents et grands-parents ont pu faire.

En France aussi, des politiques néolibérales similaires se sont mises en place, plus progressivement, et Robert Castel en pointait les effets au début des années 2000, avec l’apparition de nouveaux publics pour le travail social. Il expliquait que le problème de ces publics n’est pas de l’ordre de la réparation mais plutôt d’arriver à vivre sans relation d’aide. Ce ne sont pas des « incapables », des « inaptes », mais des gens qui ont été invalidés, une population qui a été intégrée dans le monde du travail et qui risque de basculer dans une situation de dépendance qu’elle refuse. Ce sont des populations menacées de déchéance.

On parle de nouveaux pauvres, de gens déstabilisés par des changements dans la conjoncture, la dégradation de la situation salariale. Ces populations sont différentes de celles du travail social traditionnel.[2]

Le retrait de l’Etat social est d’autant plus fort que les quartiers ou les villages sont pauvres. Et ce que décrit très bien Pascale Jamoulle en Belgique et en France, c’est que les trafics s’implantent avant tout dans les lieux désertés par les services publics. Dans le film, les prêteurs sur gage et les usuriers en sont un exemple. Notons le prix de la violence payé par les femmes dans ce film, et la terreur de la mère et de la fille menacées par des mafieux.

Le film date de 1993 et trente ans plus tard les mécanismes de disqualification sociale et d’emprise des trafics restent au cœur de la question sociale.

[1] Jacques Rodriguez (1999), « La « révolution » thatchérienne en perspective : l’Angleterre et ses pauvres depuis 1834 »

https://doi.org/10.4000/conflits.177

[2] Robert Castel et l’évolution des populations concernées par le travail social https://www.philippefabry.eu/formation.php?f=28