conservatoire national des archives et de l'histoire de l'éducation spécialisée et de l'action sociale

 (1935-2022)

Hommage à Marylene PONY

Marylene PONY s’est éteinte ce dimanche 11 septembre à l’âge de 87 ans à Quimper

C’est une femme de grande qualité qui nous quitte. Son charisme a profondément marqué les professionnels qui ont eu l’opportunité de la rencontrer, et surtout ceux qui ont eu la chance de la côtoyer quotidiennement au CMPP- CAMSP Brizeux à Rennes.

Elle était médecin psychiatre avec le rang de chef de service hospitalier. Elle avait en effet été détachée du CHSP Guillaume Reigner au CREAI de Bretagne, avec des temps répartis entre plusieurs associations et activités, notamment l’équipe technique du CREAI. Elle était attachée à ce statut de praticien hospitalier qu’elle a voulu conserver lorsque l’ARASS a été crée en 1985 pour reprendre la gestion des établissements qui dépendaient du CREAI.

D’abord médecin consultant à la consultation de la rue Brizeux, elle en est devenue médecin-directeur en 1973 au départ du Dr Michel Lemay. Dans sa suite elle a partagé la direction comme il se doit dans les CMPP  avec Yann Malefant autre figure historique. Ces deux personnalités qui sont décédées récemment ont été des pionniers.

Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’écrire lors du décès de Yann Malefant leur idée  était simple, mais révolutionnaire à l’époque. Plutôt que retirer de leurs familles les jeunes dit « inadaptés »  pour les placer en internat spécialisé – à la campagne alors –  ils proposaient de les maintenir dans leur milieu de vie naturel et d’associer largement les familles à la prise en charge de leur enfant, en articulant à la fois approches éducative et sociale,  et soins psychiques.

Marylene Pony s’est inscrite complètement dans la continuité de cette histoire en y apportant sa touche personnelle grâce notamment à ses liens avec Cécile et Edmond Ortigues qui ont l’un et l’autre orienté sa pensée et sa pratique vers une psychanalyse humaniste, mais à une juste place. Elle savait utiliser avec souplesse la palette des dispositifs de soins du CMPP et du CAMSP et ceux du service socio-éducatif  en  tenant compte de la pluralité des modèles théoriques. A l’image d’un chef d’orchestre elle savait  faire appel aux compétences individuelles et collectives, sans hiérarchiser aucun des métiers qui composaient l’équipe. C’est sans doute sa conception de la fonction de médecin et de psychiatre, qui lui permettait de  tenir compte de l’imbrication des éléments somatiques, sociaux, relationnels et affectifs à l’origine  des troubles psychiques.

Marylene Pony portait bien le titre de médecin-directeur et elle en assumait véritablement la fonction dans le cadre d’une co-direction respectueuse des places de chacun . D’abord avec Yann Malefant pendant 10 ans,  puis 14 ans avec moi quand je lui ai succédé à en 1983.

Elle était exigeante et rigoureuse dans cette fonction comme elle l’était avec elle-même. Cela nous obligeait à l’excellence. Quand une décision était à prendre, elle prenait le temps de faire murir les différentes possibilités  jusqu’à ce qu’un choix s’impose. A la fois elle avait une grande hauteur de vue et en même temps elle était attentive aux détails matériels du quotidien. On peut dire que rien ne lui échappait.

Sur le plan clinique sa mémoire des situations était fabuleuse et elle ne perdait pas de patients en chemin. Elle pouvait dérouter quand sur une intuition elle s’engageait elle- même ou cautionnait des modalités de prise en charge qui n’avaient rien de conventionnelles. Elle savait adapter le cadre au besoin des patients. C’est là que son expérience de la folie et de la psychiatrie était précieuse.

Mais c’est sans doute dans sa capacité à travailler en équipe qu’elle a été la plus précieuse.

Elle faisait toujours le pari de la compétence. Beaucoup de jeunes praticiens recrutés avec peu d’expérience sont devenus grâce à elle des praticiens de grande valeur.  Avec elle on travaillait en sécurité, sans avoir peur de faire des erreurs, prendre des risques était possible car l’institution était solide. Mais le témoignage qui est sans doute le plus éclairant est celui d’une professionnelle chevronnée qui en après -coup dit d’elle « quelle nous rendait intelligent ».

24 ans dans la fonction de médecin-directeur, cela fait beaucoup diront certains. Pourtant aucun membre  de  ses équipes ne s’est plaint de cette durée car avec elle le changement était à l’oeuvre dans une clinique toujours repensée, une exigence qui obligeait à la qualité. Avec elle, ce qui paraissait impossible devenait possible.

C’est de cela dont nous lui sommes redevables, et qui nous a donné beaucoup de plaisir à  partager le travail avec elle. Son départ à la retraite en 1997 n’a rien changé à son attention aux autres et à son humanité.

Jusqu’au bout elle est restée ce qu’elle était, une femme engagée.

 le 13 septembre 2022   Hommage écrit par Lucien Coudrin, ancien Directeur CMPP Brizeux, crédit Photo Huguette Godet éducatrice spécialisée CMPP Brizeux ARASS