conservatoire national des archives et de l'histoire de l'éducation spécialisée et de l'action sociale
Yves LAPIE :
Diplômé EDUCATEUR SPECIALISE
en 1964 à l’Ecole de formation Psycho Pédagogique Université Catholique de PARIS VII.
  • Travaille l’ADAPEI 35 comme Éducateur Spécialisé à l’IME Le Baudrier, comme Directeur créateur en 1969 de l’IME « Le Regard et La Petite Ecole » puis directeur de complexe Médico Social à l’« I.M. La Passagère »
  • Retraité en 2003, il s’est investit comme administrateur dans diverses associations du secteur médico- social : – CREAI de Bretagne – Association Tutélaire « ATI d’Ille et Vilaine – UNAFAM, délégation 35 – Association gestionnaire « ESPOIR 35 » – Administrateur du Collectif « Handicap 35 » Membre titulaire de la Commission des Droits et de l’Autonomie à la MDPH 35
En relisant mon témoignage à la lumière de l’actualité du secteur, je ne peux que faire le constat d’une évolution des pratiques dans les politiques associatives et dans l’organisation des instances dirigeantes. Dans un contexte économique nouveau, depuis la mise en place des ARS et à la faveur les recommandations européennes*, deux « évolutions » attirent mon questionnement :
au niveau politique, les nouvelles pratiques de management* des ressources humaines se traduit par une forme de « déqualification ou de sous qualification » des métiers en prise directe avec le quotidien des usagers ou des familles. Les directives européennes en faveur de la désinstitutionnalisation des parcours de vie et la promotion de l’inclusion scolaire et sociale comme une dominante de l’action amène à promouvoir de nouvelles réponses « dites innovantes » avec des financements différents. Certaines réponses intègrent l’apport ou la contribution des aidants sans prendre en compte le vieillissement ou la disparition de ces parents mis à contribution.
au niveau technique, une prédominance des projets associatifs d’organisation des structures au détriment des projets spécifiques des établissements ou services. De nouveaux outils viennent produire des indicateurs de gestions sans, pour autant, améliorer l’évaluation de la qualité des services rendus.
Je reprends à mon compte l’analyse d’un ami directeur tout jeune retraité qui me confiait récemment : « Il s’agit de management (la main sûr) et non plus de directeur (qui donne la direction). La bientraitance comme un slogan et non plus comme un objectif. »
Voici mon Témoignage de vie professionnelle :
1°Ma démarche de formation, mon apprentissage.
A) LES JEUNES ORPHELINS
En 1960, à l’âge de 17 ans, j’abandonne mes études au petit séminaire dans le cadre d’un projet d’avenir qui ne correspondait plus à mes motivations. De retour dans ma famille, je décidai de changer d’orientation et de m’engager dans la voie de l’éducation spécialisée.
Mes premières démarches se sont soldées par le passage des épreuves de sélection au centre d’observation de la Prévalaye. Au final, Mr GUYOMARD, directeur du CREAI, et le Docteur LEMAY m’ont conseillé d’attendre et d’acquérir un peu plus de maturité. Je suis entré en relation avec l’aumônier des étudiants de RENNES qui m’a parrainé auprès de la communauté des religieuses de St Vincent de Paul en recherche d’un moniteur pour l’orphelinat de garçons de la rue Jean Macé à RENNES.
Au sein de cette institution, je me suis retrouvé comme étant le premier moniteur masculin de l’institution au milieu d’un groupe de religieuses aux personnalités différentes. L’organisation comportait, une femme de service, un jardinier et un homme à tout faire (ancien pensionnaire).
Le projet éducatif était basé sur la notion « d’oeuvre charitable » pour ces pauvres orphelins que des bienfaiteurs pouvaient parrainer en les accueillant un dimanche de temps en temps
Les activités religieuses pouvaient comporter jusqu’à trois cérémonies par dimanche cela nécessitait des déplacements internes vers le seul grand dortoir afin de changer de tenue avant chaque sortie à l’extérieur. La prière du soir permettait à la religieuse principale d’exercer ses talents d’oraisons ou d’homélie à des enfants que je devais surveiller pour qu’ils respectent la position agenouillée et le silence.
Dans la semaine, l’organisation des déplacements extérieurs en rang serrés représentait une autre particularité quotidienne de l’orphelinat que ce soit pour se rendre à l’école ou s’entrainer à défiler au pas pour la quête annuelle au Stade Rennais.
Pour préparer les repas du soir, en compagnie d’une aide de cuisine, deux enfants allaient chercher les restes alimentaires du midi au lycée St Vincent situé à proximité.
Très vite, je me suis questionné sur la fonction que l’on me demandait d’assurer au sein d’un projet éducatif qui ne correspondait pas à mes motivations. Par l’intermédiaire de l’aumônier des étudiants afin de rompre avec mon isolement, j’ai pu bénéficier de la présence d’un étudiant en médecine qui venait partager certains temps de la semaine en contrepartie de son hébergement,
Les enfants admis étaient orientés après un temps d’accueil dans une annexe de l’hôpital de PONTCHAILLOU où un service recevait ces garçons et filles «abandonnés, orphelins ou retirés à leurs familles» Ce n’est que par la suite que se réalisait la construction du centre de l’ENFANCE de CHANTEPIE.
Au début de l’année 1961, l’orphelinat a été sollicité pour accueillir un public nouveau représenté par le rapatriement d’enfants de militaires français engagés dans la guerre d’INDOCHINE. Ces jeunes ne pouvaient pas rester vivre au pays avec leurs mères. Leur « intégration » à notre culture ne fut pas évidente alors que leur maturité sociale me semblait en avance par rapport à celle des jeunes français
B) LES JEUNES DELINQUANTS ET CARACTERIELS
A la suite de cet emploi «bénévole » d’une année qui ne me permettait pas d’intégrer une formation, j’ai fait une demande d’emploi pour un poste de stagiaire de contact au centre éducatif de KERGOAT à PLEURTUIT. Au cours de l’année scolaire 1961/62, je travaillais dans le pavillon d’un éducateur scolaire au sein d’un groupe de 12 jeunes adolescents. Tous les professionnels étaient logés sur place avec leurs familles. En ce qui me concerne, j’étais hébergé au pavillon de Paul LELIÈVRE, le directeur du centre.
Après ce stage d’un an, il m’était proposé de remplacer un titulaire qui partait en formation et d’attendre l’ouverture de l’école d’éducateurs de la rue Charles LE GOFFIC à RENNES que devait diriger Paul LELIÈVRE. J’ai préféré partir sur PARIS et me former à l’E.F.P.P. de la CATHO à PARIS afin de pouvoir fréquenter des structures en capacité d’accueillir de jeunes handicapés mentaux.
2° MA RENCONTRE AVEC LE HANDICAP MENTAL :
Dans mon village de RETIERS, je n’ai pas pratiqué le scoutisme comme la majorité des éducateurs de l’époque mais j’étais inscrit dans le mouvement des coeurs vaillants. C’est dans ce cadre que j’ai rencontré la maman d’un enfant trisomique, Mme BLANCHARD. Cette femme m’a fait partager son désir d’apporter à son enfant une éducation adaptée en commençant par des activités en dehors du cercle familial.
En France, les années 60 ont représenté l’émergence des associations de parents d’enfants inadaptés. L’association « Les Papillons Blancs de l’Ille et Vilaine » a été développée par l’initiative de personnalités concernées par le handicap mental comme Mr FONTAINE, journaliste à OUEST FRANCE, président départemental, Mr MARSCHALL à St MALO, Mr BRAULT à RENNES.
Avant de pouvoir bénéficier d’établissements spécialisés, les familles avaient recours à des cours particuliers chez des personnes intervenant à leurs domiciles. C’est ainsi que pour forger mon projet de formation j’ai rencontré tout d’abord Mme CHANEL, Psychomotricienne, épouse d’un journaliste, venue de PARIS, Mme COMMUNIER, Psychologue de formation qui apprenait à lire à des enfants dans son appartement.
Pour approfondir ma motivation, j’ai sollicité Madame DAVID à CHATEAUBOURG ; elle venait de créer un établissement pour jeunes déficients intellectuels légers.
Par la suite, elle assumera une fonction de « conseillère technique » auprès de l’association des PAPILLONS BLANCS (elle représentait les directeurs au C.A.).
L’ADAPEI ouvrait son premier établissement à St MALO dans les années 1964/65.
« Lorsque j’évoquais auprès de mes collègues stagiaires de KER GOAT mes motivations à aller travailler auprès des enfants déficients intellectuels je ressentais une forme de « jugement de valeurs » comme si les compétences nécessaires faisaient l’impasse sur la forme d’autorité « naturelle » promue dans le travail auprès des jeunes délinquants et caractériels. »
3° MES ETUDES A L’EFPP
De 1962 à 1964, j’ai donc expérimenté la vie parisienne pour mes études à l’Ecole de Formation Psycho Pédagogique de l’Institut Catholique. Cette délocalisation devait me permettre de trouver des stages afin d’approfondir les méthodes éducatives en lien avec le secteur du handicap mental.
4° SERVICE MILITAIRE :
Entre 1964 et 1965, j’effectue mon service militaire à VERSAILLES en étant affecté au laboratoire de psychologie de l’armée de terre. Le hasard à voulu que, par un concours de circonstances et la rencontre d’un officier breton, la dénomination de mon école de PSYCHO PEDAGOGIE aurait intéressé ce service.
5° MON ENGAGEMENT AUX PAPILLONS BLANCS – MES DEBUTS DE CARRIERE :
Dans la région rennaise, le premier établissement qui se créait était situé dans les locaux du centre aéré «Bernadette Soubirou» à la sortie de RENNES vers NOYAL CHATILLON. Il ouvrait en 1966 et je rejoignais cette structure en tant que premier éducateur spécialisé intervenant. L’équipe était dirigée par une enseignante, directrice d’école en disponibilité, Mme SCHILLING, elle était conseillée et supervisée par la première directrice embauchée à l’ADAPEI ; Madame GUERIN (éducatrice spécialisée de formation). Elle dirigeait l’IME de BEAUCHESNE à St MALO. Les autres encadrantes étaient majoritairement des jardinières d’enfants de l’École MONTESSORI et une monitrice éducatrice.
Pendant de longues années, l’établissement devait libérer les locaux pour la période d’été, le transport des jeunes était assuré par deux autocars et des taxis.
L’autorisation de fonctionner était donnée au titre des annexes XXIV du code de la Sécurité Sociale, l’admission se faisait au titre d’une prise en charge pour des « soins longs et couteux » auprès de la Sécurité Sociale. Ce financement impliquait un rôle prépondérant confié au médecin psychiatre . Engagé avant l’ouverture, le Docteur BEAUGEARD recevait les familles à son cabinet en ville, les parents nous décrivaient un personnage qui les impressionnait. Ce médecin avait établi une forme d’autorité et/ou d’expertise dans diverses instances du secteur. Il affirmait ses positions personnelles comme : la défense du secteur privé vis à vis du secteur public. Le Docteur BEAUGEARD insistait sur la prédominance du quotient intellectuel dans les diagnostics ainsi qu’une méfiance vis à vis des psychotiques. Il considérait les Q.I. inférieurs à 30 comme inéducables en référence aux anciennes classifications.
En l’absence de projet d’établissement, son rôle devenait, au fil du temps, une fonction que je contestais dans une forme de rapport de forces qui mettait en avant d’autres repères que le diagnostic médical au sein d’un projet éducatif qui s’évaluait. La synthèse se limitait au bilan dans son bureau afin de rédiger le certificat médical de renouvellement de la prise en charge à transmettre à la caisse d’assurance maladie.
6° LE DEVELOPPEMENT DES REPONSES :
Les premiers établissements se sont développés à partir de textes pour des agréments répondant à de classifications selon le quotient intellectuel et des dénominations utilisées comme : inéducables (Q.I. De 0 à 20, semi-éducable (Q.I. De 20 à 30), éducable (Q.I. De 30 à 50) ou encore, arriérés profonds, débiles profonds, débiles moyens, débiles légers) La mention « avec ou sans troubles associés » pouvait se retrouver dans les autorisations de fonctionner de certaines structures. Les jeunes enfants ayant des troubles de la personnalités (enfants psychotiques) étaient, en principe, admis au centre de Neuro Psychiatrie Infantile (LA MOTTE AU DUC à RENNES) ; ce que contestait les parents.
Entre 1966 et 1970 de nombreux I.M.E. se sont ouverts en BRETAGNE et l’on peut constater un même partage : des associations diverses pour la promotion et la gestion d’équipements pour les jeunes déficients intellectuels moyens ou légers et des établissements gérés par les ADAPEI «PAPILLONS BLANCS » pour des réponses adaptées aux déficients profonds (Dans les années 1980 l’on parlait encore du handicap « type PAPILLONS BLANCS »).
7° LA CREATION DE LA PETITE ECOLE ET DU REGARD :
En 1968, j’avais été sollicité par la section malouine pour aller prendre un poste de chef de service à DOL DE BRETAGNE, en annexe de l’I.M.E de St MALO. J’ai, alors, été victime d’un conflit associatif puisque le C.A. de l’ADAPEI départemental n’a pas validé mon contrat d’embauche, les parents de la section rennaise s’étant opposés à mon départ dans le but de me confier d’autres responsabilités locales.
C’est ainsi qu’entre 1968 et 1969, je collaborais avec des familles à la création de nouvelles réponses pour les enfants inscrits sur la liste d’attente de la section rennaise.
A l’époque, il y avait plus de 150 jeunes en attente d’une solution ou qui avaient été refusés à l’admission dans le premier établissement ouvert. Parmi ces enfants, de nombreux jeunes polyhandicapés, psychotiques ou déficients intellectuels aux Q.I. inférieur à 30 !.
En l’absence d’autorisations administratives, sous l’impulsion d’une maman militante associative, Mme PEPIN, nous avons créé le premier service d’éducation à domicile (payant) et les premiers « annexes » ou haltes garderies temporaires pour enfants handicapés dans des locaux prêtés dans divers centres sociaux de la ville de RENNES. Pour l’intendance, l’un des parents nous amenait les repas fournis par une clinique, d’autres papas allumaient les chauffages de bonne heure le matin pour le confort de tous.
Par la suite, nous décidons de régulariser la situation administrative en présentant un dossier de demande d’agrément pour un nouvel Institut Médico Educatif. La section locale de l’association fait l’acquisition d’une école privée désaffectée dans la quartier de St LAURENT à RENNES. Le dossier déposé à la commission régionale prévoit un établissement de 30 places et une annexe pour des jeunes plus handicapés dans des baraques récupérées auprès de la ville de RENNES pour un accueil des jeunes avec troubles associés.
A l’époque, ce projet est questionné par le Dc BEAUGEARD qui n’admet pas que nous puissions accueillir des « arriérés profonds ou des psychotiques » qui, selon lui, relèvent du champ de la psychiatrie.
Pendant plusieurs mois, nous organisons des chantiers de travaux tenus par des parents certains samedis ou dimanches. Les travaux d’aménagements de ces classes désaffectées et de la maison attenante qui logeait les religieuses nous permettent d’ouvrir, en décembre 2009, avec une autorisation officielle ce qui deviendra, progressivement, une sectorisation géographique des admissions dans la complémentarité avec l’autre IME de la section rennaise qui est devenu LE BAUDRIER en s’implantant à St SULPICE LA FORET. Une certaine rivalité s’animera pour l’embauche du psychiatre car j’avais exigé d’être libre du choix d’un praticien en privilégiant le recrutement d’un médecin issu du secteur public (conseillé par le Dc BADICHE).
LI.M.E.la Petite Ecole (nom choisi par les familles) s’est très vite fait une sorte de réputation à l’école d’EDUCATEURS et nous étions très sollicités pour accueillir des stagiaires. Notre projet d’établissement s’est appuyé sur une approche clinique en ne restant pas fixé sur les tests de quotients intellectuels.
En dehors de mon implication dans l’institution, j’ai été sollicité pour rejoindre l’équipe technique du CREAI, (paradoxe, après le départ du Dc LEMAY au CANADA). C’est ainsi qu’avec Mrs Jacques GUYOMARD, directeur, Albert LEMERO, psychologue, Yann MALEFANT, psychologue et directeur du CMMP/CAMS, les Docteurs PONY, PAVLOSKY, Mr LECOQ, gestionnaire et Louis DENIS, assistant social aux services de la justice, nous nous déplacions dans la Bretagne pour donner des avis techniques que ce soit à la demande de l’administration (DRASS) pour des agréments ou des associations gestionnaires pour une évaluation du fonctionnement. Par la suite, l’équipe a technique a été rejointe par Paul LELIEVRE, devenu directeur du CREAI..
8° LA FORMATION DES EDUCATEURS SPECIALISES EN BRETAGNE
Très vite, j’ai été confronté à plusieurs décalages entre les professionnels en exercice dans les autres secteurs de « l’enfance inadaptée » et les spécificités du secteur du HANDICAP. En dehors des CMPP et des CAMPS, très peu de professionnels avaient des expériences de ce public.
Au niveau des sélections auxquelles je participais, les outils utilisés comme les critères me semblaient encore en lien avec l’éducation des jeunes cas sociaux, délinquants ou caractériels.
Le PROJET DE FORMATION de l’école d’EDUCATEURS de RENNES venait, selon moi, renforcer une forme d’inadaptation tout particulièrement par la spécificité de l’accompagnement des élèves ou stagiaires sur le terrain de stage avec des outils comme les SUPERVISIONS, les ETUDES DE CAS. A partir des constats réalisés lors de l’accueil d’élèves en stages, je me suis permis de questionner le programme de formation en mettant en cause auprès de Paul LELIÈVRE, directeur et du Dc Michel LEMAY, enseignant, certains outils ou références idéologiques (travaux de Carl ROGERS, des superviseurs ne connaissant pas le handicap). Je me suis permis de renvoyer le constat que la majorité des étudiants étaient en stage en IME alors que leur formation théorique dispensait, principalement, des cours en relation avec un autre public ou d’autres formes d’inadaptations.
Au niveau de la recherche d’un perfectionnement, sur le terrain, avec la participation de l’ANEJI et du CREAI, nous avons tenté de construire un réseau et une réflexion autour de ce nouveau secteur qui émergeait. Des rencontres à l’échelon régional ont été proposées afin de construire une culture partagée (exemples : Réunions à PONTIVY avec Albert LEMERO, psychologue au CREAI, rencontres avec des professionnels du Finistère (Kan ARMOR) pour les éducateurs techniques….)
9° L’EVOLUTION LEGISLATIVE et LES ACTUALITES DU SECTEUR :
En 1975, se mettent en place les deux lois de 1975 qui modifient de nombreuses pratiques que ce soit au niveau du fonctionnement des institutions comme des modalités d’accueil du public.
La C.D.E.S. se met en place avec des craintes exprimées sur la loi dans les orientations, la contestation de la primauté des test du Quotient Intellectuel. De nombreux directeurs mettent en avant la différence à faire entre l’agrément et le projet d’établissement afin de faire respecter le pouvoir du directeur au niveau de l’admission et de la sortie.
Puis viennent se préciser les notions d’intégration scolaire, la révision des annexes XXIV, les schémas qui obligent aux ajustements des réponses et aux redéploiements, le développement des SESSAD, la prise en charge des jeunes polyhandicapés et des autistes. De 1990 à 1995, comme membre de l’équipe technique pluridisciplinaire, j’ai participé à l’évaluation des demandes et des orientations.
Par la suite, lors de l’ouverture de nouveaux établissements, les éducateurs spécialisés, un tant soit peu pionniers que nous étions, avons été remis en cause dans notre fonction de direction par des exigences de l’EDUCATION NATIONALE qui nous imposait des titres liés à l’enseignement scolaire.
10° LES RELATIONS PARENTS ET PROFESSIONNELS – EMPLOYEURS ET DIRECTEURS :
Mon expérience personnelle de rencontres avec les parents d’enfants handicapés a toujours été celle de la nécessité de prendre en compte la souffrance des parents et de faire alliance avec eux. Bien souvent j’utilise la notion de « pacte » afin de ne pas s’enfermer dans un rapport de forces ou d’affrontements stériles basés sur la culpabilité ou des conflits de compétences.
a) Le parent d’un enfant en situation de handicap a, bien souvent, une demande d’apprentissage de la lecture auprès des éducateurs qui, parfois, renvoient les parents à d’autres priorités en lien avec l’acquisition de l’autonomie. Ce type de relations peut favoriser des incompréhensions ; en quelques sortes, chacun renvoyait à l’autre ses limites ou incompétences. Ces postures étaient d’autant plus évidentes que nous n’avions pas d’instituteurs au sein des premiers I.M.E de l’ADAPEI et que c’étaient les éducateurs spécialisés qui se chargeaient des premiers apprentissages scolaires en lien avec l’orthophoniste, à La Petite Ecole, par exemple. En tant que Directeur, je n’avais pas évalué cette nécessité de faire intervenir
l’Education Nationale. Il en a été de même pour la création d’un poste d’assistant social car nous considérions que les éducateurs pouvaient répondre à l’accompagnement des familles.
b) Vis à vis du directeur, les parent gestionnaires, se doivent d’assumer un rôle d’employeur ; cette situation peut être source de conflits de pouvoirs ou d’intérêts. Au quotidien, le parent administrateur se trouve en position de « patron » et « d’usager » vis à vis d’un professionnel. Pour qu’une relation de confiance puisse s’instaurer il y a la nécessité permanente de faire la part entre les aspects politiques de la gestion associative et les aspects techniques des projets des établissements ou individuels.
c) Dans ma rencontre personnelle avec les parents d’enfants en situation de handicap j’ai été frappé par plusieurs thématiques :
– La singularité de la souffrance et le conflit des générations entre les jeunes parents et les anciens.
– L’implication différentes des hommes et des femmes (père gestionnaire, mère à l’éducation et au
sacrifice de la vie de famille).
– L’angoisse de l’avenir et de « l’après nous » qui peut se manifester jusque dans le souhait de la mort de l’enfant avant celle des parents.
– Des promesses arrachées, surtout aux soeurs de s’occuper du frère ou de la soeur en situation de handicap après le décès des parents.
– Des difficultés à appréhender la notion de protection juridique comme le dossier d’aide sociale en raison des questionnements liés au patrimoine.
– A l’age adulte, l’évolution des parcours en termes d’insertion ou d’intégration scolaire de l’enfant se heurte aux difficultés d’insertion professionnelle.
Quelques repères au fil de l’expérience :
Je souhaite parler de personnes à besoins spécifiques ou « autrement capables » selon certains sociologues. Les différences doivent être prises en compte afin de favoriser l’INCLUSION dans la vie sociale.
– La prothèse nécessaire ou la compensation spécifique, se retrouve bien au travers de cette nécessité de l’accompagnement social. Parmi les mesures nouvelles de la loi de 2005, la mise en place des heures d’aides humaines vient justifier le maintien de l’étayage d’une autonomie ainsi qu’une « aide à la décision » afin de faire vivre l’inclusion des personnes dans la cité.
– J’ai regretté, vivement, le temps perdu dans des querelles idéologiques ou de méthodes par rapport à l’accompagnement des jeunes autistes ; comme je m’interroge sur l’absence de réponses pour les jeunes polyhandicapés.
– Dans les années 2000, le retard pris dans les créations de places pour adultes vient percuter les listes d’attentes dans les structures. Malgré l’amendement CRETON, la situation ne débouche pas sur des réponses adaptées aux besoins des jeunes de plus de 20 ans maintenus en I.M.E..
– Les ESAT créés par les familles ne sont plus des filières « type PAPILLONS BLANCS », réservées à leurs enfants. L’évolution des demandes pour des adultes déficients moyens ou légers à la recherche d’une orientation vers le travail provoque une forme de concurrence dans les admissions.
– Le vieillissement des publics comme les évolutions techniques des ESAT amènent les responsables à développer des réponses où le travail n’est plus une réponse systématique de statut ou d’orientation.
– D’autres modalités d’accompagnement et d’accueil sont à développer afin de garantir des projets de vie répondants aux besoins d’adultes déficients intellectuels aux potentiels plus limités en termes de d’autonomie ou de dépendance.
– Le droit à l’école, comme le droit au travail pour tous des années 70 doit céder la place à ce droit à compensation dans le cadre de la loi de 2005.
En forme de conclusions :
Dans mon parcours processionnel, je souhaite mettre en avant ma préoccupation de la clinique du sujet car, bien souvent, entre les années 1966 et 1975, je me trouvais confronté à des approches pédagogiques ou re-éducatives qui en oubliaient l’importance du sujet en prenant en compte l’enfant ou l’adolescent déficient intellectuel comme un objet ; on parlait encore enfants inadaptés comme l’exprimait le signe de l’UNAPEI.
Au niveau de la fonction de direction, j’ai toujours considéré que l’on avait les administrateurs que l’on méritait ce qui impliquait d’aller, si n écessaire, jusqu’à l’affrontement lorsque la fonction de directeur n’était plus respectée.
Le directeur est avant tout un animateur et un coordinateur d’équipes pluridisciplinaire mais il est aussi dans la communication à l’interne comme à l’externe au niveau de la signification de « rendre commun, donner du sens » dans un projet qui s’inscrit, en même temps dans l’histoire et dans l’avenir.
Yves LAPIE